À bientôt 25 ans, il vient de terminer sa troisième saison chez Interpro Cycling Academy. Cette équipe à la fois française et japonaise composée de coureurs du monde a brillé à plusieurs reprises cette saison.
Du haut de sa Savoie natale, Florian Hudry va nous partager son année, qui lui aura permis de bien progresser et de beaucoup voyager, en parcourant des courses aux quatre coins du monde.
~ Une saison résumée ~
Ma saison 2019 a été la plus aboutie de ma « carrière ». J’ai fait une saison pleine et j’ai encore progressé, il y a beaucoup de positif à retenir.
« Le positif attire le positif alors quoi qu’il arrive, reste positif »
~ Au fil des mois ~
– Janvier –
Pour commencer, nous avons eu le premier stage au siège français de l’équipe à L’Isle Jourdain dans le département du Gers. J’ai pu faire connaissance de mes nouveaux coéquipiers et staff (l’équipe ayant été renouvelée à 70 % par rapport à l’effectif 2018). Ce fut aussi l’occasion de rencontrer certains sponsors puis de finir ce stage par la présentation de l’équipe à la presse au Conseil Général de la région Occitanie à Toulouse.
Ensuite, j’ai passé le reste du mois de janvier dans l’un des appartements de l’équipe à Gérone, en Espagne avec deux de mes coéquipiers pour profiter des conditions climatiques bien plus clémentes que chez moi en Savoie, pour peaufiner ma préparation en vue des premières courses de la saison.
Et à la fin du mois, nous nous sommes envolés pour les Iles Baléares pour les premières courses de la saison, le Challenge de Majorque. Ce fut aussi l’occasion de faire le shooting photo officiel de l’équipe dans un décor idyllique.
– Février –
Le 1er février, je débutais ma saison aux côtés des équipes World Tour (Lotto, Soudal, Bora-Hansgrohe…) et des meilleurs coureurs mondiaux avec notamment la présence du champion du monde Alejandro Valverde (Movistar), mais aussi Warren Barguil Arkéa Samsic, John Degenkol (Trek-Segafredo) … .
Ces premiers jours de courses ne furent pas une très grande réussite. Les conditions climatiques difficiles ne rendirent pas la tâche facile, avec beaucoup de chutes et d’abandons. Néanmoins, le dernier jour lors de l’arrivée à Palma de Majorque, je parvins à basculer le dernier col dans le premier groupe qui se disputa la victoire.
Suite aux courses, je suis resté encore une semaine à Palma pour continuer de m’entraîner au soleil avant de rentrer en France. Apparemment, le soleil m’a suivi jusqu’à chez moi, les conditions climatiques de ce mois de février étaient exceptionnelles en Savoie. Ce qui fut parfait pour entamer ma préparation pour le Tour du Rwanda puisque contrairement aux hivers habituels, je n’étais pas obligé de descendre en vallée en voiture pour m’entraîner. Je pouvais partir de chez moi et rouler entre 1500 et 1800 mètres d’altitude (l’altitude de Kigali, la capitale du Rwanda).
Fin février, nous partons pour l’Afrique et la première course par étapes de la saison, Le Tour du Rwanda, course de huit jours au profil très vallonné.
– Mars –
J’avais déjà participé au Tour du Rwanda en 2016 mais à l’époque, c’était une épreuve de classe 2 et il se déroulait au mois de novembre. L’engouement de la population pour le vélo est impressionnant au Rwanda, c’est même le sport numéro 1 devant le football ! Le pays est même candidat à l’organisation des Championnats du monde 2025. À l’occasion, cette année l’événement a été promu en classe 1 et a vu pour la première fois de l’histoire une équipe World Tour courir sur le continent africain avec la présence d’Astana !
Toute l’équipe est très motivée, nous sommes déjà tous très soudés et prêts à donner le meilleur de nous-mêmes. Dès la première étape, après un long départ fictif pour quitter la capitale au levé de drapeau et sous une pluie battante, je suis le premier attaquant. J’insiste et je suis rejoint par trois autres coureurs ; ce fut la bonne échappée. Nous aurons jusqu’à cinq minutes d’avance sur le peloton. Après avoir échoué pour quelques centimètres à la quête du maillot de meilleur grimpeur, je me concentre sur la victoire d’étape. Malheureusement à moins de dix kilomètres de l’arrivée, nous sommes revus par le peloton.
Le reste de la semaine sera dans la même dynamique avec chaque jour un coureur d’Interpro dans l’échappée. Adrien Guillonnet et Pablo Torres décrochèrent de beaux podiums. Pour ma part, je restais avec Hernan Aguirre, mon leader colombien quatrième au classement général après l’étape reine pour l’épauler au mieux.
Au final, ce Tour du Rwanda fut une belle réussite pour Interpro et lancera réellement la saison !
– Avril –
Après un rapide passage à la maison, l’équipe sera sur deux fronts en ce début de mois d’Avril, l’un sur le Tour du Langkawi (Malaisie) et l’autre sur le Tour de Thaïlande. Pour ma part, se sera le Tour de Thaïlande dont j’avais déjà pris part l’an passé.
Comme pour toutes les courses d’Asie du Sud, la chaleur et l’humidité sont de la partie. Autrefois en difficulté dans ce genre de conditions, j’ai l’impression que désormais mon corps s’est adapté et je résiste plutôt bien à cet environnement totalement opposé à ma Savoie natale.
Après deux premières arrivées aux sprints massifs, le troisième jour a lieu l’étape reine, 224 kilomètres avec plus de 4000 mètres de dénivelé positif et des pentes extrêmement raides. Tout se passe bien après avoir passé l’essentiel des difficultés, nous sommes encore deux avec Pablo dans le groupe de tête d’une quinzaine d’unités. Malheureusement, à 20 kilomètres de l’arrivée alors que Pablo venait de s’isoler avec cinq autres coureurs à l’avant, je le retrouve à terre, le vélo cassé. Je m’arrête et m’empresse de lui céder mon vélo en attendant ma voiture. Je repars 30 secondes plus tard, mais il me sera impossible de réintégrer le groupe de tête et relie l’arrivée seul en 20ème position totalement exténué par cette étape dantesque. (L’une de mes plus dures journées sur un vélo).
Le lendemain, malgré la fatigue de la veille et sur les conseils téléphonique de mon manager général Damien Garcia (présent sur le Tour du Langkawi), je fais tout pour prendre l’échappée. Dans un premiers temps, je me retrouve dans un groupe de dix coureurs. Nous sommes repris au pied du premier col de la journée mais j’insiste et parviens à m’isoler seul à l’avant très vite rejoins par deux colombiens dont le maillot de meilleur grimpeur. Quatre autres coureurs nous rejoindront, mais entre-temps je remportais le sprint intermédiaire. À 40 kilomètres de l’arrivée, l’écart avec le peloton est encore de cinq minutes et nous commençons à croire en la victoire. Nous nous la disputerons ; et je pris une belle cinquième place et fut élu plus combatif de l’étape. Mon plus beau résultat de ma carrière !
Retour en Europe mi-avril en Espagne, pour y disputer la Klasika Amorebieta remporté par Carlos Betancur (Movistar). Puis on enchaîne avec le Tro Bro Leon, Classique bretonne disputée en partie sur des chemins en terre. Une très belle expérience sur laquelle j’aurais beaucoup appris avant poursuivre avec le Tour de Bretagne.
Sur un terrain peu à ma convenance, j’aurais là aussi beaucoup appris sur ces huit jours de course du Tour de Bretagne, où le placement est primordial sur des routes étroites et sinueuses. La météo parfois capricieuse rendit la course encore plus difficile avec de nombreuses bordures et des finals très tendus avec de nombreuses chutes.
– Mai –
Le mois de mai est synonyme du Tour du Japon grand, objectif de l’équipe (cette dernière étant japonaise). C’est avec honneur que je suis dans la sélection pour le Tour national ! Course de huit jours, qui débute à Osaka et se termine à Tokyo.
Après une entame très discrète, en manque de résultat et de visibilité, la pression commence à se faire de plus en plus présente. Ce fut seulement à partir de la quatrième étape que je trouve l’ouverture et intègre l’échappée du jour composé de trois coureurs.
Finalement repris dans l’ultime ascension à dix kilomètres de l’arrivée, cette échappée me permis tout de même de récolter des points aux différents sprints intermédiaires et grands prix de la montagne et surtout, cela a apporté une visibilité à la TV importante pour les sponsors japonais de l’équipe. Malheureusement à l’arrivée Hernan, mon leader pour le classement général chute lourdement et fut contraint dès le lendemain de mettre pied à terre. Gros coup dur pour l’équipe…
Mais Interpro n’a pas dit son dernier mot ! Dès le lendemain lors de l’ascension du Mont Fuji, Adrien prend une belle cinquième place. Et sur l’étape reine, après une course extrêmement difficile avec plus de 4000 mètres de dénivelé en seulement 120 kilomètres, Pablo qui est dans un grand jour passe toute la journée dans le groupe de tête avant de parvenir à s’isoler seul devant et de résister jusqu’à l’arrivée et de décrocher la plus belle des récompenses ! Victoire d’Interpro sur l’étape reine du Tour du Japon. Un Tour très mal commencé, un coup dur, puis la récompense ultime ! Une très belle leçon de vélo !
– Juin –
Le mois de juin est après le Tour du Japon un moment très important de la saison ! L’équipe est invitée sur Le Mont -Ventoux Dénivelé Challenge et la Route d’Occitanie, deux courses françaises de très haut niveau sur lesquels de nombreux coureurs viennent peaufiner leur préparations en vue du Tour de France.
Sur le Mont-Ventoux Dénivelé Challenge, Adrien honore l’équipe en accompagnant Romain Bardet (AG2R La Mondiale) et le futur vainqueur Jésus Herada (cofidis) jusque dans les ultimes kilomètres de l’ascension du « Géant de Provence ». Pour ma part, après avoir roulé en tête de peloton pour contrôler les échappés, je suis victime d’un problème mécanique, ce qui m’a contraint à faire l’ascension du Ventoux sans pouvoir me mettre en danseuse. Je termine à une regrettable 34ème place au vue des sensations.
Ce n’est que partie remise quelques jours plus tard dans les Pyrénées lors de l’étape reine de la Route d’Occitanie, où j’accompagne l’avant-garde du peloton emmené par la Movistar de Valverde ; leader de l’épreuve après sa victoire sur la première étape. À deux kilomètres du sommet du Port de Balès, je suis encore dans le groupe maillot jaune réduit à une quinzaine d’unités. Pris de crampes au pied de l’ultime ascension qui nous emmenait à l’Hospice de France, je dois laisser filer le top 20 et me contenter d’une honorable 25ème place. Une performance assez notable au vue du niveau de l’épreuve.
À la fin du mois de juin, c’est le rendez-vous annuel des Championnats de France, disputés cette année à la Haye-Fouassières sur le circuit de la classique Loire-Atlantique, avec au programme 252 kilomètres. Une course qui fut très usante avec la répétition des deux montées du circuit. Hélas à 50 bornes de l’arrivée alors que la course commençait à se décanter, je fus victime d’une crevaison qui m’empêcha de prendre part à la bagarre finale. J’ai dû me contenter d’une 75ème place.
– Juillet –
Après un rapide passage à la maison où je passa quelques nuit à Val Thorens à 2300 mètres d’altitude, arriva le Tour du Qinghai Lake, épreuve de 14 jours sur les contreforts des plateaux tibétains en Chine. Course à laquelle j’avais déjà pris part en 2018 et dont le vainqueur sortant n’est autre que mon leader colombien Hernan Aguirre.
La première étape est un contre-la-montre par équipe de 40 kilomètres qui se déroulera entièrement sous la pluie. N’étant pas vraiment spécialistes de la discipline, nous concédons dès le premier jour plus de trois minutes sur les vainqueurs. La course avait donc très mal débutée, mais c’était sans compter sur l’esprit revanchard d’Hernan qui dès la première étape de montagne fait un très gros numéro et viens chercher une belle victoire de prestige avant d’endosser le maillot de meilleur grimpeur et de ne plus le lâcher jusqu’à la fin du Tour.
C’est aussi sur cette course que j’aurai vécu l’une des plus dures journées sur un vélo, du moins l’une des plus froide ! Lors de la huitième étape longue de 224 kilomètres avec des cols à plus de 3800 mètres d’altitude, disputée entièrement sous la pluie. J’aurais vraiment souffert du froid, frigorifié une bonne partie de la course, j’ai dû aller puiser mentalement très loin pour résister à ces conditions climatiques dantesques !
– Août –
De retour au pays, je prends part à deux critériums d’après Tour de France, à Lisieux en Normandie et Camors en Bretagne, avant de rejoindre Paris pour m’envoler pour le Tour de Guadeloupe (Dix jours).
Arrivé la veille du grand départ, je ne savais pas trop comment mon corps allait réagir et pourtant tout s’est plutôt bien passé. Je loupe l’échappée lors de la troisième étape mais je ressors et parviens à revenir devant. Finalement repris, Adrien clôture l’étape par un podium et s’empare du maillot jaune.
À ce moment-là commença la défense du maillot, je me mis à 100% au service de mon leader et cette lutte ne fut pas une tâche facile. De plus, à cause d’une chute massive dès la première étape, nous n’étions plus que deux équipiers (David Casanovas et moi) pour épauler Adrien. Chaque jour, la course était relancée et malgré notre infériorité numérique nous parvenons à remporter le Tour ! Ce fut une vraie joie de voir Adrien, qui est quelqu’un que j’admire et apprécie vraiment remporter le Tour de Guadeloupe !
Pour la petite anecdote, j’ai effectué 25 jours de courses dans l’intervalle de 30 jours et sur trois continents différents cet été !
– Septembre –
Après quelques jours de repos chez moi en Savoie, je me remets dans le rythme en disputant une course locale, la Grimpée du col de la Loze que je remporte et qui sera théâtre d’une arrivée du Tour de France 2020.
Arriva enfin la dernière course de la saison, à nouveau en Chine : le Tour du Poyong Lake, longue de douze jours. Course sur laquelle j’aurais à nouveau tenté ma chance en échappée, malheureusement sans grands succès, cadenassé par les équipes de sprinters. Je finis donc ma saison 2019 le 28 septembre à Nanchang.
– Trêve hivernale –
Suite à ma dernière course, je suis resté quelques jours en Chine afin de décompresser et de profiter du pays pour faire du tourisme. Je suis ensuite rentré chez moi, où je profite actuellement de mes montagnes.
Je fais environ un mois sans presque ne pas faire de sport, seulement quelques balades à pied ou en VTT afin de bien récupérer physiquement de la saison. Puis je reprendrai une préparation physique générale début novembre avant de reprendre réellement le vélo de route début décembre.
~ Statistiques ~
– Du 1er janvier au 28 septembre, j’ai effectué 21 000 kilomètres de vélo dont près de 10 500 en compétition et un peu moins de 1000 en échappées.
– 81 jours de courses dont 64 en UCI sur quatre continents.
– J’ai 34 vols d’avion à mon actif cette saison pour un total d’un peu plus de 150 heures passées dans les airs. Et au moins autant en bus ou voitures.
– Concernant les pays pour essayer de faire un rapide résumé, j’ai passé environ :
* 25 jours en Espagne
* 12 jours au Rwanda
* 10 jours en Thaïlande
* 12 jours au Japon
* 15 jours en Bretagne
* 14 jours en Guadeloupe
* 40 jours en Chine.
~ Creating Memories ~
Chaque course est différente et pleine de rencontres. Je ne saurais pas dire quels moments m’ont le plus marqués. Mais c’est toujours agréable de rencontrer des personnes de tout horizons qui pour la plupart du temps sont vraiment sincères et toujours là pour nous aider et j’en suis très reconnaissant.
– Photos via Florian Hudry – Tour of Qingahi Lake – Sonoko Tanaka – Kéké J’n –
~ L’heure des bilans ~
Mon bilan personnel est positif ; j’ai réalisé une saison pleine et j’ai globalement été régulier. Bien sûr, on peut toujours espérer mieux mais je peux dire que je suis plutôt satisfait de ma saison. J’aurais encore bien progressé et beaucoup appris.
Je ne suis pas le manager de l’équipe mais je pense que mes dirigeants sont plutôt satisfaits du bilan de la saison. Il y a eu de beaux résultats avec des victoires de prestiges : Maris Bogdanovics sur le Tour de Tochigi, Pablo sur le Tour du Japon, Hernan sur le Qinghai Lake, Adrien en Guadeloupe… mais aussi plusieurs podiums et maillots distinctifs. L’équipe a répondu présente sur quasiment toutes les courses auxquelles elle a participée.
De plus, il faut quand même noter que malgré les nombreuses nationalités présente au sein d’Interpro que ce soit au niveau du staff et des coureurs, l’esprit d’équipe a été remarquable. Et je remercie d’ailleurs l’ensemble du staff, des coureurs et de toutes les personnes qui nous ont aidé de près ou de loin pour cette belle saison.
~ En perspective ~
Concernant la saison prochaine, je serai toujours dans les pelotons professionnels, mais peut-être un peu moins japonais. Je préfère attendre que mon équipe fasse une annonce officielle avant de dévoiler ma situation. Une chose est sûre, il va y avoir du changement !
Je suis d’ores et déjà très motivé et je travaillerai dur cet hiver afin de passer un nouveau palier. J’ai déjà bientôt 25 ans, mais je sais que j’ai encore une grande marge de progression. Je vais donc essayer de l’exploiter au maximum dans les années à venir.
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Le fil rouge d’Au bon dossard – Portrait chinois de Florian Hudry –
Propos recueillis lors du Mont-Ventoux Dénivelé Challenge
Si tu étais :
– Un animal ?
Un chamois.
– Un élément naturel ?
La neige.
– Un col ?
Le Galibier.
– Un mets préféré ?
La salade au fromage de chèvre.
– Un don ?
Pouvoir transplaner.
– Un loisir ?
Le ski.
– Un mois ?
Novembre, pour la coupure et mon anniversaire.
– Un département ?
La Savoie.
– Un pays ?
Le Japon.
– Un maillot distinctif ?
Meilleur grimpeur.
– Un dossard fétiche ?
Le 54.
– Une partie du vélo ?
Les roues, matériel important !
Et voilà comment remonter toute une année, voyager et découvrir une personnalité en un mets ! Merci à Florian Hudry pour cette recette copieuse. Nous te souhaitons une belle trêve hivernale avant de continuer à suivre tes aventures, dès le début de la saison 2020.