Lors de notre précédente rencontre, nous étions en plein confinement. Cette période était propice à faire une pause dans de nombreux domaines, à enchaîner les entraînements sur home-trainer uniquement. Et à observer sa situation comme celle du monde sous un autre angle.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ! Les sorties comme les compétitions sont reparties pour de nouvelles saisons. Le cyclisme féminin poursuit sa belle évolution.
Qu’en est-t-il plus précisément pour celle qui s’était confiée à nous lorsqu’il fallait rester à la maison ? Pour le savoir, c’est avec plaisir que nous retrouvons celle qui évolue toujours sous les couleurs de St Michel – Auber93 : Barbara Fonseca.
- Bonjour Barbara, bienvenue à nouveau dans nos fourneaux ! Globalement, comment vas-tu depuis ?
Bonjour les cuistots ! Je vais très bien, la vie a repris un cours bien plus normal, et ce n’est pas pour me déplaire !
- Tu nous disais être professeur d’EPS, un déménagement dans le Sud était prévu. Qu’en est-il depuis à propos de tes activités professionnelles hors vélo ?
Effectivement, je vis désormais sur la Côte d’Azur depuis presque deux ans. J’enseigne toujours, mais cette fois avec beaucoup plus de soleil !
- Comment s’est déroulée la reprise des courses et la précédente saison pour toi et ton équipe St Michel – Auber93 ?
La reprise des courses était forcément très attendue, et j’ai été contente de remettre un dossard. Néanmoins, comme beaucoup d’équipes de division nationale, nous avons vécu deux saisons compliquées. La première, l’année du confinement, parce que nous n’avons eu que peu de temps pour nous exprimer. Et la saison précédente nous avons « subi » le fait d’être chez les amateurs. Nous n’avions pas le droit d’aller sur les courses à l’étranger, et en même temps les courses en France s’annulaient les unes après les autres.
Lorsque les courses ont repris, nous étions face aux équipes UCI et World Tour qui elles avaient déjà beaucoup couru. Néanmoins, nous avons réussi à faire un sans faute sur la Coupe de France en remportant toutes les manches, et à décrocher de belles places sur les courses UCI de fin de saison. Cela nous a permis de voir qu’il était peut-être temps d’évoluer et d’aller sur le niveau au dessus.
- Et en cette année 2022 ?
Cette saison, beaucoup de choses ont changé. Nous sommes désormais dans le rang UCI et l’équipe s’est restructurée autour de ce projet pour nous mettre dans de bonnes conditions. On a fait deux stages cet hiver, à Calpe avec l’équipe hommes, et en Turquie pour préparer les premières échéances.
Globalement, l’équipe s’est montrée performante sur cette première moitié de saison. Certes, pour le moment il nous manque la victoire, mais on a eu beaucoup de top 10 et deux podiums sur des belles courses. L’équipe s’est pas mal renouvelée et il a fallu prendre de nouveaux repères, mais je me sens bien dans ce nouveau groupe. La deuxième partie de la saison s’annonce excitante avec la Ride London, les Championnats de France, le Tour de Belgique, et évidemment, le Tour de France avec Zwift.
- Tu as participé à la deuxième édition de Paris-Roubaix version féminine. Comment as-tu vécu cette sacrée expérience ?
Je suis un peu partagée sur cette expérience. J’avais beaucoup d’envie et à cœur de bien faire. Même si sur Paris-Roubaix on le sait, la chance a pas mal d’importance, le fait d’être prise dans la chute à l’avant du peloton juste avant l’entrée du premier secteur pavé, ça a quand même été un peu dur.
Quand tu es derrière et que tu es gênée dans une chute, bon, tu as ta part de responsabilité, mais quand tu es devant c’est un peu rageant, mais c’est aussi ça Paris-Roubaix… C’est d’autant plus décevant que nous n’avons pas eu de problème mécanique ; les mécanos ont fait un travail de fou, l’équipe et les sponsors se sont beaucoup investis pour cette course, et finalement au bout on n’a rien à leur offrir.
À coté de ça, il y a une ambiance exceptionnelle sur les secteurs pavés et dans le vélodrome. C’est quelque chose à vivre.
Crédits : Auguste Devaire
- Question de la plus haute importance : es-tu réconciliée avec ton home-trainer ?!
Franchement, là où j’habite je n’ai pas vraiment l’occasion de monter dessus. Du coup, ce n’est pas que je boude, mais il est très bien dans le garage, et qu’il y reste !
- Comment parviens-tu à jongler entre la vie de sportive de haut niveau et les autres aspects au quotidien ?
C’est plutôt difficile. Le passage en UCI s’est fait tardivement et j’ai fait le choix de continuer à travailler à temps plein. Entre les entraînements, les courses, les avions, et les élèves, je n’ai pas vraiment le temps de m’ennuyer. C’est une organisation plutôt millimétrée avec des réveils de bonne heure. Je suis devenue une adepte de la To do list… le problème c’est que je rajoute souvent « urgent » à côté, et puis ça finit en « trop tard… » !
- Pendant le confinement, tu avais pris le temps pour ce qui « pouvait attendre » habituellement. Es-tu parvenue à conserver ces nouvelles habitudes ?
Non, c’est simple, maintenant je répète sans cesse : « je verrai ça quand je ne ferai plus de vélo ! ». Du coup, j’ai une To do list déjà bien remplie pour ma retraite !
- Que penses-tu de l’évolution du cyclisme féminin ainsi que de votre pouvoir d’achat ?
Le cyclisme féminin évolue tellement vite ! Que ce soit en terme de niveau, de structure, de salaires… Quand j’ai arrêté il y a 10 ans, au-delà du fait qu’aucune fille n’en vivait véritablement en France, il n’ y avait pas franchement de perspective d’amélioration à court terme. Aujourd’hui, même s’il y a quelques exceptions dans certaines équipes, les filles dans les équipes UCI sont rémunérées. Les montants dépendent des équipes, mais c’est une avancée majeure.
Il y a encore deux ou trois ans, on pouvait monter une équipe UCI femme avec un budget de DN2 homme. Aujourd’hui c’est impensable, et c’est tant mieux. Il y a encore beaucoup à faire pour pouvoir en vivre véritablement, mais je pense que d’ici deux ans, les filles seront toutes à temps plein.
- En tant que professeur d’EPS, quelles sont les valeurs et les conseils que tu aimes partager à tes élèves ?
Il y a évidemment les valeurs fondamentales tel que le respect, la tolérance etc., mais je dirais que pour ma part, je suis assez focalisée sur la valeur du travail. On dit souvent que notre enseignement transpire qui on est. Pour moi le travail, l’investissement et de la persévérance sont des choses très importantes. C’est parfois difficile au départ pour certains élèves parce que je suis exigeante et compétitrice, mais avec le temps, ils sont les premiers déçus le jour où il n’y a pas un challenge.
- Une petite gourmandise pour terminer la Recette : quel est ton ravito plaisir préféré ?
Sur le vélo, des madeleines ! St michel évidemment. Et une fois rentrée la même chose, mais avec du beurre de cacahuète !
Merci à Barbara Fonseca de nous avoir partagé ses différentes visions autour du vélo et au-delà. On te souhaite à toi et à ton équipe une très belle continuation pour la suite de la saison !